vendredi 16 janvier 2009

Deux extraits de poèmes de Simin Behbahani






Simin Behbahani (en persan : سیمین بهبهانی) est une des figures majeures de la poésie contemporaine persane, connue pour son style lyrique, le "ghazal" (forme poétique fixe). Elle est née en 1927 à Téhéran dans une famille d'intellectuels. Son père était un illustre journaliste et sa mère Fakhr Ozma Arghoon, une poétesse qui défendait les droits des femmes. Simin Behbahani a publié son premier recueil de poésie à l'âge de 14 ans. Ses poèmes se démarquent, dès le début, par le fait qu’elle parle, en tant que femme, de ses désirs amoureux, alors que ce sont habituellement les hommes poètes qui écrivent à ce sujet. Plus tard, Simin Behbahani se fait un nom en modernisant le ghazal. Après la révolution de 1979, sa poésie est de plus en plus lue et connue. Dans ces poèmes, elle évoque les sujets qui touchent à la vie sociale et politique, parle de désir, d’amour et de liberté dans une société qui s’étouffe sous les poids des interdits. Elle s’engage activement dans la défense de la liberté d’expression et agit en soutien aux mouvements de femmes pour leurs droits. Elle a été l'une des premières à déclarer son soutien à la campagne « Un million de signatures » qui réclame l'abrogation de toutes les lois discriminatoires envers les femmes. Elle est aujourd’hui reconnue et bien aimée des Iraniens, à l’intérieur du pays et au sein de la diaspora, pour ses poèmes, ses paroles et ses actes engagés.
Elle a publié plus d’une douzaine de recueils.
En 1999, son recueil de poèmes, A Cup of Sin (Une coupe de péchés), a paru aux éditions Syracuse University Press aux Etats-Unis.
En 1998, elle a reçu le prix Hellman-Hammett de l'association de défense des droits humains Human Rights Watch, décerné aux écrivains victimes de persécution politique et dans le besoin financier.
En 1999, elle a reçu la médaille Carl Von Ossietzky, du nom du lauréat du Nobel de la Paix en 1936 qui s'était élevé contre la montée du nazisme en Allemagne.

Voici deux extraits de poèmes de Simin Behbahani. La traduction ne peut pas rendre le rythme, mais le contenu est là. Comme toute traduction, elle peut bien évidemment être sujet de discussion... mais elle reste fidèle à l’ensemble des propos de la poète.


Extrait 1

"Je te reconstruirai, ma patrie"

Je te reconstruirai, ma patrie.
Même avec l'argile de ma propre âme.
Je te bâtirai des colonnes.
Même avec mes propres ossements.
Grâce à ta jeune génération, on s'amusera à nouveau.
Nous ne cessons de pleurer, tellement tu nous manques.
Même si je meurs à 100 ans, je resterai debout dans ma tombe.
Afin de faire disparaître le mal avec mon grognement.
Je suis vieille mais je peux rajeunir pour vivre une nouvelle vie aux côtés de mes enfants.

Extrait 2

Tziganesque 13

Chante tzigane, chante. Chante pour rendre hommage à l’existence.
Que soit portée à chaque oreille, ta présence.

Les cheminées des monstres, régurgitant leurs fumées brûlent yeux et gorges.
Hurle, si tu le peux, de l’horreur de cette nuit.

Le secret de vie de chaque monstre se cache dans le ventre d’un poisson rouge,
Baignant dans les eaux dont tu ignores le chemin.

La tête de chaque monstre trône sur les cuisses d’une fille,
Telle une bûche sur lingot d’argent.

Dans leur soif de saccage, les monstres ont pillé
Soie et rubis des joues et lèvres de ces Vénus.

Pour désir de liberté, danse, tzigane, et sur ce rythme,
Envoie un message pour recevoir une réponse.

Il faut un signal à la conscience du monde pour croire à ton existence:
Frotte donc un fer sur la pierre, pour déclencher le feu.

Les âges noirs reculés, oppriment ton corps,
Sors, ne sois pas une trace sur un fossile.

Pour ne pas périr, tzigane, il faut briser la chape du silence,
C’est dire que pour rendre hommage à l’existence, il faut que tu chantes.